
Bonjour,
PAULE DOYON
Contes et Nouvelles
La grand-mère de Pierre
La ville de Grand-mère au Québec doit son nom à cette légende, racontée ici à la façon de... Paule Doyon.
– L’heure est venue, dit le bel Indien, je pars...
– Un instant encore... it la brune Indienne, sa jeune femme, en finissant de tresser la longue natte de ses cheveux sombres. Elle donnait l’air de se presser, mais en réalité, elle y mettait tout son temps. Ses doigts bronzés luisaient dans le matin qui tâchait de se dépêtrer de ses haillons de brumes.
– Je ne peux plus attendre ! répéta l’Indien, le soleil monte, la brume se dissipe...
– Je viens ! Je viens ! reprit l’Indienne de sa voix flûtée, en feignant de chercher à travers ses colliers de wampuns un objet qu’elle ne trouvait pas.
– Je pars seul alors ! fit l’Indien.
– Non !... je t’accompagne jusqu’à la rivière...
Elle inspecta une dernière fois la tente.
L’Indien, irrité, lui tira vivement le bras :
– Allons ! Tu sais bien que je dois partir ! Il avait élevé la voix. L’Indienne le suivit, légère et discrète, à petits pas... Il était grand en avant d’elle, avec ses deux plumes sur ses cheveux gras. Il marchait comme un fauve. À pas feutrés. Il glissait sur la nature, on aurait dit... c’était peut-être un dieu ? le dieu de la chasse, son futur mari...
Les arbres ne bougeaient pas de chaque côté du sentier. Leurs feuilles se taisaient. Pas le moindre petit frémissement sur son passage. Seul un écureuil osa rouler, pareil à un rayon d’or, jusqu’au faîte d’un bouleau pour les voir passer. Un oiseau cria son admiration à un moment donné. C’était peut-être une corneille bavarde, incapable de se taire, tant elle avait trouvé l’Indien beau.
La rivière attendait au bout du layon. Toute bleue et muette. Pas un petit clapotement sur son bord. Que le silence de l’émerveillement absolu. Le canot d’écorce entailla l’eau, qui laissa échapper des vaguelettes toutes tendres, débordantes de perles d’écume et de pointes d’or...
La main cuivrée de l’Indien saisit la rame. À peine assis, il glissa, irréel et dédoublé sur le paysage inversé qui montait du fond des eaux…
Le Plaisir de Lire,
Serge Rigaud
PAULE DOYON
Contes et Nouvelles
La grand-mère de Pierre
La ville de Grand-mère au Québec doit son nom à cette légende, racontée ici à la façon de... Paule Doyon.
– L’heure est venue, dit le bel Indien, je pars...
– Un instant encore... it la brune Indienne, sa jeune femme, en finissant de tresser la longue natte de ses cheveux sombres. Elle donnait l’air de se presser, mais en réalité, elle y mettait tout son temps. Ses doigts bronzés luisaient dans le matin qui tâchait de se dépêtrer de ses haillons de brumes.
– Je ne peux plus attendre ! répéta l’Indien, le soleil monte, la brume se dissipe...
– Je viens ! Je viens ! reprit l’Indienne de sa voix flûtée, en feignant de chercher à travers ses colliers de wampuns un objet qu’elle ne trouvait pas.
– Je pars seul alors ! fit l’Indien.
– Non !... je t’accompagne jusqu’à la rivière...
Elle inspecta une dernière fois la tente.
L’Indien, irrité, lui tira vivement le bras :
– Allons ! Tu sais bien que je dois partir ! Il avait élevé la voix. L’Indienne le suivit, légère et discrète, à petits pas... Il était grand en avant d’elle, avec ses deux plumes sur ses cheveux gras. Il marchait comme un fauve. À pas feutrés. Il glissait sur la nature, on aurait dit... c’était peut-être un dieu ? le dieu de la chasse, son futur mari...
Les arbres ne bougeaient pas de chaque côté du sentier. Leurs feuilles se taisaient. Pas le moindre petit frémissement sur son passage. Seul un écureuil osa rouler, pareil à un rayon d’or, jusqu’au faîte d’un bouleau pour les voir passer. Un oiseau cria son admiration à un moment donné. C’était peut-être une corneille bavarde, incapable de se taire, tant elle avait trouvé l’Indien beau.
La rivière attendait au bout du layon. Toute bleue et muette. Pas un petit clapotement sur son bord. Que le silence de l’émerveillement absolu. Le canot d’écorce entailla l’eau, qui laissa échapper des vaguelettes toutes tendres, débordantes de perles d’écume et de pointes d’or...
La main cuivrée de l’Indien saisit la rame. À peine assis, il glissa, irréel et dédoublé sur le paysage inversé qui montait du fond des eaux…
Le Plaisir de Lire,
Serge Rigaud